Protéger ses enfants grâce à la fiducie

Un accident de la vie peut arriver n’importe quand, à n’importe qui.  

Récemment, la presse s’est fait l’écho d’un couple, la quarantaine, parti en vacances avec ses enfants mineurs. Le couple décide d’aller faire un tennis tôt le matin. Ils prennent leur scooter. Il est 8h00 du matin et, en face, arrive un bus. Le chauffeur, aveuglé par le soleil levant, ne les voit pas. Le choc est violent.

Le mari décède sur le coup. L’épouse, dans le coma, est gravement blessée.

S’ouvre pour cette famille et leurs enfants, outre le préjudice moral, une période de grandes difficultés administratives et financières. La succession prendra du temps. Certes, le couple peut avoir mis en place des assurances vies. Certes, les amis et la famille seront présents. Mais, les besoins du quotidien pour les enfants, qui n’ont pas accès au compte bancaire, sont là, dès les premiers jours.

La prise en charge par un avocat fiduciaire de cette situation peut s’avérer d’une grande aide :

  • Grâce au patrimoine préalablement placé en fiducie par les parents, il pourra fournir rapidement les liquidités nécessaires aux enfants et les assister sur le plan juridique.

  • Il pourra également subvenir aux besoins financiers de la mère gravement blessée.

Voici le schéma juridique qu’il est possible de mettre en place.


1 – Les enfants sont mineurs :

Il est rappelé que la fiducie est un contrat prévoyant 2, 3 ou 4 parties.

Le constituant, c’est à dire celui qui a la propriété d’un bien et qui le remet en fiducie. Le fiduciaire qui aura pour mission de gérer le bien et de l’administrer selon la mission décrite au contrat de fiducie. Le bénéficiaire qui est la personne dont les termes du contrat de fiducie bénéficient. Et le tiers de confiance à qui le fiduciaire pourra rendre compte.  

Le constituant ne peut pas être un mineur même avec l’autorisation de ses parents. Par ailleurs, la fiducie prend fin au décès du constituant.

Dès lors, dans un schéma de protection d’enfants mineurs et dans l’hypothèse du décès des parents, il n’est pas envisageable de prévoir que les enfants ou les parents soient constituants directement d’une fiducie.

La solution réside par la création d’une société (société civile par exemple) dont les parents seraient associés et gérants. Il est possible de prévoir que les parents aient l’usufruit des parts et les enfants la nue-propriété de façon à anticiper une économie fiscale au moment de la transmission à cause de mort des parts sociales.

Un troisième co-gérant devra être nommé pour pallier l’éventuel décès des parents de façon à ce que la société ne se retrouve pas sans gérant. Ce troisième gérant pourra être un professionnel (notaire, avocat, expert-comptable, banquier, assureur, gestionnaire de patrimoine…), un ami ou un membre de la famille.

Des actifs seront apportés à la société. Ces actifs peuvent être un ou des biens immobiliers, de l’argent, des titres de société, divers placements.

La société sera constituante de la fiducie et apportera tout ou partie de ses biens en fiducie. Idéalement, ces biens devront être en mesure de générer des revenus (revenus fonciers, revenus de capitaux, intérêts…) de façon à faire face aux besoins financiers des bénéficiaires.

Les bénéficiaires seront les enfants mineurs. Ils pourront aussi être les parents.

Le fiduciaire pourra avoir mission d’affecter une certaine somme aux enfants, mensuellement, pendant une période (jusqu’à la fin de leurs études, par exemple) au décès des parents, afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins courants. Il pourra également les assister juridiquement. 


2 – Les enfants sont majeurs :

Il peut exister plusieurs raisons pour vouloir protéger un enfant majeur : 

  • L’enfant est malade ou handicapé et ne peut subvenir seul à ses besoins.

  • L’enfant est un mauvais gestionnaire et sera en proie à dilapider le patrimoine après la mort de ses parents.

  • L’enfant peut être à la merci d’un conjoint vénal qui, à la mort des parents, tentera de mettre la main sur le patrimoine.

  • L’enfant peut être à la merci d’un entourage familial néfaste ou d’aigres-fins.

Deux schémas fiduciaires s’offrent pour prévoir la protection d’un enfant majeur.

  1. Le premier schéma consiste à envisager une donation ou un testament avec charge. La charge sera celle de constituer une fiducie et d’y placer les biens donnés ou légués.

    L’enfant sera donc légataire de biens mais devra les placer en fiducie à son bénéfice. Il sera alors à la fois constituant et bénéficiaire.

    Le fiduciaire aura pour mission de verser une somme mensuelle à l’enfant majeur pendant une certaine période et non la totalité du patrimoine.

    Ce schéma présente l’avantage de la simplicité car il conviendra simplement de prévoir un acte de donation ou de testament puis un contrat de fiducie.

    Néanmoins, il présente le risque de voir l’enfant, seul constituant, remettre en cause la fiducie afin de recueillir la totalité du patrimoine.

    Des clauses spécifiques de l’acte de donation ou du testament, en particulier sur la durée de la charge, peuvent être envisagées pour restreindre ce risque. Le notaire de la famille pourra apporter son expertise à ce sujet.

  2. Pour annihiler tout risque de remise en cause de la fiducie, le second schéma consiste à créer une société (société civile par exemple) dont les parts seront ultimement détenues par l’enfant majeur et un tiers. Il en sera de même de la gestion de la société.

    Ainsi, un tiers (professionnel, ami ou membre de la famille) serait co-gérant et détiendrait au moins une part sociale de la société.

    Les statuts prévoiront que la société ne pourra être dissoute qu’à l’unanimité des associés.

L’enfant ne pourra donc dissoudre la société et mettre fin à la fiducie sans l’accord de ce tiers co-gérant et co-associé.

Ce schéma peut également être mis en œuvre pour anticiper sa propre dépendance (handicap, Alzheimer…).

Benjamin Boukris