Les applications pratiques de la fiducie-gestion
De nombreuses applications pratiques de la fiducie-gestion sont envisageables. En voici quelques-unes.
Sécuriser un pacte d’actionnaires
Sécuriser un pacte d’actionnaires : La fiducie-gestion permet de sécuriser de façon plus efficace des transactions telles que des pactes d’actionnaires. Avant la récente réforme du droit des obligations, la cession de parts intervenue en violation d’un pacte d’associés n’était pas nécessairement frappée de nullité et pouvait seulement donner lieu à une action en responsabilité contractuelle contre l’associé cédant.
Désormais, le nouvel article 1217 du Code civil autorise notamment l’exécution forcée mais il n’existe pas, à ce jour, d’application concrète. A tout le moins, la survenance d’un contentieux et ses délais de justice incompressibles pourra empêcher l’exécution du pacte et mettre en péril la société par la création d’une situation de blocage.
Il semble donc plus prudent de doubler le pacte d’associés de la société par une convention de fiducie-gestion afin de sécuriser sa bonne exécution.
Les titres seront alors transférés dans le patrimoine fiduciaire et l’exercice du droit de vote sera alors assuré par le fiduciaire en sa qualité d’associé.
S’agissant des décisions concernées par le pacte d’associés, le fiduciaire sera obligé de se conformer aux stipulations contenues dans le pacte d’associés.
Éviter l’utilisation de prête-noms
Eviter l’utilisation de prête-noms : La fiducie peut permettre à un chef d’entreprise de placer tout ou partie de ses biens personnels à l’abri de poursuite de créanciers sans avoir à rechercher des prête-noms ou avoir à les donner à tel ou tel membre de sa famille.
En effet, un chef d’entreprise pourra être tenté de solliciter des prête-noms qui pourront être des amis ou des membres de sa famille.
Néanmoins, en cas de décès du prête-nom, les biens faisant l’objet d’un tel portage pourrait être considérés comme faisant partie de l’actif successoral de ce dernier et transmis à ses héritiers.
Si les biens ont été transmis à l’épouse ou l’époux, en cas de divorce ultérieur, le chef d’entreprise pourra se retrouver particulièrement démuni.
Même situation si un conflit surgit ultérieurement avec tel ou tel membre de la famille (enfant devenu majeur par exemple).
La solution pourra être de constituer une fiducie pour placer les biens, en toute confiance auprès d’un avocat fiduciaire, à l’abri de déconvenues professionnelles ou personnelles.
Il est à noter qu’une fiducie portant sur des biens mobiliers (placements financiers) ne fait pas l’objet d’une publication ouverte à tout tiers.
Seuls les juges d’instruction, procureurs, officiers de police judiciaire, agents des douanes, agents de Tracfin et agents de l’Administration fiscale peuvent avoir accès aux données du registre nationale des fiducies.
Dès lors, une personne souhaitant mettre à l’abri des placements financiers et éviter des poursuites de la part de personnes malintentionnées, pourrait trouver intérêt à constituer une fiducie.
Protéger le chef d’entreprise ou un membre de sa famille de la dépendance
La fiducie peut permettre d’anticiper une éventuelle dépendance du chef d’entreprise ou d’un membre de sa famille en leur assurant une indépendance et une intégrité financière.
Le schéma pourra consister en la création d’une société civile qui sera constituante et bénéficiaire des biens (placements, immobiliers…) placés en fiducie. Une personne affectera des biens au patrimoine fiduciaire et sera associée avec un autre membre de sa famille ou un tiers de confiance (notaire, assureur, expert-comptable, gestionnaire de patrimoine…) de la société civile.
Un gestionnaire de fortune, une banque ou un assureur s’occupera de faire fructifier le patrimoine placé en fiducie. L’avocat fiduciaire s’assurera de verser mensuellement des sommes déterminées par avance dans le contrat de fiducie au chef d’entreprise ou à un membre de sa famille. Les parts sociales de la société civile pourront faire l’objet d’une donation, d’un leg ou d’un démembrement de propriété.
La fiducie prend fin lorsque le constituant décède. L’interposition d’une société civile en qualité de constituant permet la poursuite de la fiducie.
Transmettre un patrimoine à un héritier pas apte à le gérer
Il est préalablement rappelé que la fiducie-libéralité est interdite par la loi. Il s’agirait d’une opération selon laquelle une personne (constituant) transfèrerait un bien dans une fiducie en prévoyant qu’à son décès ce bien soit transmis à un bénéficiaire désigné. Ce schéma est prohibé par l’article 2013 du Code civil.
La solution peut alors consister à donner ou léguer le bien à charge pour le donataire ou le légataire de le transférer à un fiduciaire. Dans ce cas, la fiducie ne procède pas d’une intention libérale. La libéralité (leg ou don) porte sur le bien avant qu’ils ne soient mis en fiducie par le donataire ou le légataire. La prohibition de la fiducie libéralité ne s’applique pas.
Le fiduciaire pourra alors agir dans l’intérêt du donataire ou légataire devenu constituant.
Ce schéma peut aussi trouver application dans le cadre de capitaux-décès d’un contrat d’assurance-vie. Il est fréquent qu’un chef d’entreprise ayant cédé son entreprise place les fonds issus de la cession dans un contrat d’assurance-vie.
Le contrat d’assurance-vie se distingue des autres placements financiers par l’existence d’une clause bénéficiaire prévoyant qu’au cas où les sommes placées en assurance-vie n’auraient pas été consommées par le souscripteur de son vivant, elles seront versées à la personne désignée dans la clause bénéficiaire.
Il est aussi fréquent que le bénéficiaire (enfant prodigue, naïf, non rompu au milieu des affaires ou vulnérable par exemple) ne soit pas jugé capable de gérer les sommes de façon raisonnable au moment du dénouement du contrat d’assurance-vie.
Souvent, il arrive que le bénéficiaire ne soit pas toujours entouré des bonnes personnes (famille ou amis) en mesure de le conseiller sur de bons investissements. Voir qu’ils agissent à l’inverse comme des aigrefins. La clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie pourra être modifiée pour imposer à l’enfant bénéficiaire du contrat d’assurance-vie l’obligation de transférer les capitaux-décès dans une fiducie dont l’actif sera géré par des professionnels tels qu’un conseil en gestion de patrimoine, un notaire, un expert-comptable ou un assureur, à charge pour l’avocat fiduciaire d’allouer une somme mensuelle à l’enfant.
Il n’est cependant pas exclu que l’enfant décide de mettre fin à la fiducie postérieurement de façon à récupérer les fonds. Dans ce cas, il pourra être utile de constituer une société civile qui sera constituante et bénéficiaire.
L’enfant sera associé ou se verra transmettre les parts sociales par ses parents. Un tiers protecteur (conseil en gestion de patrimoine, assureur…) sera également associé et gérant irrévocable de la société civile. Une clause des statuts prévoira l’unanimité des voix pour dissoudre la société de sorte que l’enfant ne pourra à aucun moment dissoudre la société.
Eviter les conflits d’associés ou les conflits familiaux dans le cadre d’une transmission d’entreprise
Il est fréquent que deux blocs égalitaires au sein d’une société se retrouvent en conflit avec l’impossibilité de gérer la société sauf à recourir au service d’un administrateur provisoire dont le coût mènera rapidement la société à la faillite.
Cette situation peut également se retrouver dans le cadre d’une transmission d’entreprise où des blocs familiaux n’auront pas la majorité pour diriger seuls et où des intérêts divergents empêcheront une gestion saine de la société.
La solution pourra être de placer une partie des titres de la société en fiducie de sorte que le fiduciaire ou un tiers aux associés ou à la famille (notaire, expert-comptable, conseiller financier…) agisse en qualité d’associé minoritaire avec pour mission d’assurer une majorité dans l’intérêt de l’entreprise.
Ainsi, par exemple, deux blocs d’associés pourront avoir chacun 49% des voix, soit 98 % à eux deux. Les deux autres pourcents sont confiés à un fiduciaire. Personne n’a la majorité. Néanmoins, en fonction de l’intérêt de l’entreprise, le fiduciaire pourra faire pencher la balance des voix pour telle ou telle décision dans l’intérêt social de l’entreprise.
Optimiser le contrat d’assurance-décès du chef d’entreprise dans le cadre d’un emprunt à la société
Lorsqu’une société souhaite financer un investissement par emprunt, les banques conditionnent généralement l’octroi du prêt à la souscription d’un contrat d’assurance-décès par le dirigeant ou les associés. La banque sera alors désignée bénéficiaire du contrat d’assurance-décès à concurrence des sommes qui lui sont dues.
Or, cette désignation directe de la banque emporte des conséquences dramatiques fiscalement pour la société emprunteuse et les héritiers du chef d’entreprise ou des associés en cas de décès ou d’invalidité de ces derniers.
Pour la société, l’extinction de la dette par le remboursement de l’assurance emprunteur constitue un revenu exceptionnel soumis à l’IS (impôt sur les sociétés) avec possibilité de lisser ce résultat sur 5 ans. Néanmoins, la banque ne sera pas totalement remboursée et la société devra débourser le solde correspondant au montant de l’IS. Cette situation pourra amener la société en état de cessation des paiements si par ailleurs le chef d’entreprise est décédé et qu’aucun membre de sa famille ne peut prendre la suite.
Pour les héritiers, le désendettement de la société a pour conséquence l’augmentation de sa valeur nette comptable. Les héritiers devront donc s’acquitter de droits de succession sur une base taxable plus importante.
La solution consiste en la désignation du bénéficiaire de l’assurance-décès en une personne différente de la banque afin que la dette existante au jour du décès ne soit pas comptabilisée en produit exceptionnel. Ainsi, le bénéficiaire du capital décès n’est pas la banque mais l’assuré (le chef d’entreprise) en cas de vie et ses héritiers en cas de décès.
Cependant, la clause bénéficiaire sera rédigée de telle sorte que la compagnie d’assurance devra verser le capital à un avocat fiduciaire conformément à un contrat de fiducie qui aura été convenu. Lors de la survenance du risque assuré, le fiduciaire percevra le montant du capital et le versera à la banque si la société est en défaut du paiement des échéances du prêt.
En l’absence de défaut de paiement des échéances et en cas de remboursement total du prêt, les fonds seront reversés par l’avocat fiduciaire aux héritiers sans aucun droit de succession.