Les avantages de la Fiducie-sûreté
La fiducie-sûreté présente des avantages incontestables vis-à-vis des sûretés classiques.
Pacte commissoire
En premier lieu, le préteur, bénéficiaire des biens placés en fiducie, pourra se faire attribuer les biens à charge de reverser l’éventuelle soulte correspondant à la valeur du bien moins le montant de la créance. Ceci sans la moindre autorisation judiciaire, pour autant que le contrat de fiducie l’ait prévu (Cette clause est appelée « pacte commissoire » consistant en l’attribution du bien en paiement au créancier).
Si un bien fait l’objet d’un gage ou d’un nantissement, le pacte commissoire est également possible. Néanmoins, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (sauf en cas d’attribution judiciaire en cas de liquidation judiciaire), le jugement ouvrant droit à ces procédures fait obstacle à la réalisation du pacte commissoire sur un objet gagé ou nanti.
Ceci n’est pas le cas si le bien est placé en fiducie. Le créancier pourra se l’approprier à tout moment sauf si le bien fait l’objet d’une convention de mise à disposition.
Autre avantage de la fiducie, c’est la possibilité de prévoir un pacte commissoire sur la résidence principale du débiteur.
En effet, en vertu de l’article 2452 du Code civil, un créancier, qui aurait pris une hypothèque sur la résidence principale du débiteur, ne pourra pas se faire attribuer ce bien immobilier en paiement. Il devra le faire vendre aux enchères.
Cela n’est pas le cas pour une fiducie. Le créancier pourra demander à ce que la résidence principale soit placée en fiducie, en garantie du remboursement du crédit, et le créancier pourra se voir attribuer ce bien en paiement.
Cela peut présenter un avantage si le marché immobilier a chuté. Une banque pourra ainsi s’attribuer le bien c’est-à-dire devenir propriétaire et attendre des jours meilleurs pour le revendre lorsque le marché immobilier sera reparti à la hausse.
Clause de voie parée
Alternativement, le bénéficiaire pourra demander au fiduciaire à ce que le bien soit vendu à un tiers sans passer par une procédure de saisie immobilière longue et coûteuse.
La clause de voie parée est en effet possible en fiducie. La clause de voie parée permet à un créancier de faire vendre un bien à un tiers sans recours à l’intervention du juge. Elle est interdite pour des biens nantis, gagés ou hypothéqués. Dans ce cas, le créancier devra respecter les procédures civiles d’exécution devant le juge (procédure de saisie immobilière et ordonnance en justice de la vente de biens gagés ou nantis) qui sont des procédures longues, complexes et coûteuses.
Cette vente se fera sous réserve d’une expertise de la valeur du bien, étant précisé que le bien pourra être vendu pour un prix inférieur à la valeur établie par un expert si aucun acheteur ne peut être trouvé au prix indiqué par l’expert.
En effet, lorsque le bien était expertisé à une valeur inférieure à la créance, la pratique considérait que sa vente n’était pas possible.
L’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme des sûretés est venue modifier le dispositif. Désormais, en application de l’article 2488 – 3 du Code civil, si le fiduciaire ne trouve pas d’acquéreur au prix fixé par expert, il peut vendre le bien ou le droit au prix qu’il estime, sous sa responsabilité, correspondre à sa valeur.
En d’autres termes, le fiduciaire pourra vendre le bien à un prix inférieur à sa valeur fixée à dire d’expert s’il ne reçoit aucune offre d’achat au prix de l’expert.
Procédures collectives
Lorsqu’un bien est gagé, nanti ou hypothéqué, en cas d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement, le créancier ne pourra faire vendre le bien pendant la période d’observation. Si le débiteur est ensuite placé en liquidation judiciaire, le créancier pourra faire vendre le bien mais il sera payé sur le prix après les créanciers disposant d’un meilleur rang que lui (créanciers postérieurs, créances salariales, frais de justice…).
En cas de plan de cession, le bien gagé est transféré au cessionnaire.
Dans l’hypothèse d’une fiducie, le principe est que le bénéficiaire de la fiducie-sûreté échappe aux effets de la procédure collective et notamment à la suspension des poursuites ou encore à l’interdiction des paiements de créances antérieures au jugement d’ouverture.
Il pourra donc faire vendre le bien et se voir payer en priorité dès l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. L’intégralité de la valeur transférée dans le patrimoine fiduciaire sera affectée au remboursement de la créance garantie par la fiducie sans que le créancier bénéficiaire n’ait à craindre d’être en concours, voire primé, par un quelconque autre créancier de son débiteur, même un créancier privilégié. Les seuls créanciers qui pourraient potentiellement venir en concours avec lui sont les titulaires de créances nées de la conservation ou de la gestion du patrimoine fiduciaire, ce qui est le plus souvent négligeable.
Par ailleurs, la fiducie n’est pas un contrat en cours. Le bénéficiaire ne sera donc pas dépendant des souhaits de l’administrateur judiciaire. Le bénéficiaire pourra donc demander au fiduciaire d’appliquer strictement les termes du contrat de fiducie. Les créances garanties par la fiducie pourront également être payées au bénéficiaire si le constituant sollicite du juge commissaire une autorisation dans ce sens afin d’obtenir le retour de biens et droits transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, lorsque ce retour est justifié par la poursuite de l’activité.
Néanmoins, si le bien placé en fiducie a été laissé à la disposition du débiteur, dans le cadre d’une convention de mise à disposition, l’administrateur judiciaire pourra demander la poursuite de cette convention de mise à disposition, considérée comme un contrat en cours, ce qui empêchera la vente du bien placé en fiducie.
La loi prévoit qu’en présence d’une telle convention, aucune cession ou aucun transfert des biens ou droits transférés en fiducie ne peut intervenir au profit du fiduciaire ou d’un tiers du seul fait de l’ouverture de la procédure, de l’arrêté du plan ou encore d’un défaut de paiement d’une créance née antérieurement au jugement d’ouverture, à peine de nullité de ladite cession ou dudit transfert. L’entreprise en redressement judiciaire pourra alors continuer à utiliser l’actif placé en fiducie et assurer son exploitation.
Cependant, cela obligera l’administrateur judiciaire a réglé les échéances dues. A défaut, la convention de mise à disposition prendra fin et le créancier bénéficiaire pourra faire vendre le bien.
Au surplus, le tribunal ne pourra pas imposer à un créancier bénéficiaire d’une fiducie-sûreté d’abandonner, réduire ou capitaliser sa créance, en particulier dans le cadre d’un plan de cession. En effet, la réforme des procédures collectives de 2021 a prévu que « pour les parties affectées bénéficiaires d’une fiducie constituée à titre de garantie par le débiteur, seuls sont pris en compte les montants de leurs créances non assorties d’une telle sûreté ». Dès lors, le tribunal ne pourra pas imposer au créancier « bénéficiaire », pour la part de sa créance garantie par une fiducie sûreté, d’abandon, réduction ou capitalisation de sa créance.
Enfin, les actifs transférés en fiducie ne pourront faire l’objet d’un plan de cession, sauf accord des bénéficiaires du contrat de fiducie puisque lesdits actifs n’appartiennent pas au constituant en redressement judiciaire mais au patrimoine fiduciaire.
La fiducie-sûreté a démontré son efficacité dans le contexte d’une procédure collective.
Les praticiens ont, dès lors, imaginé de l’utiliser afin de sécuriser des créanciers acceptant d’injecter de l’argent frais (« new money ») dans une entreprise faisant face à des difficultés. En effet, le mise en place d’une fiducie afin de sécuriser des créanciers dans le cadre d’une conciliation est parfaitement possible sous réserve que la dette apparaisse concomitamment et à des conditions conformes aux usages commerciaux. Un actif générateur de cash pourra être placé en fiducie contre un apport d’argent frais permettant le redémarrage de l’entreprise ou son repositionnement stratégique.
Un tel dispositif fiduciaire pourrait aussi trouver à s’appliquer en période d’observation pour les créanciers bénéficiant du privilège dit de « post money ».
En résumé, la fiducie-sûreté permet à un créancier d’être plus rapidement payé, pour la totalité de sa créance, même en cas de procédure collective du débiteur.
Elle constitue un outil de sécurisation de la créance d’un préteur mais aussi et surtout un moyen de financement ou de refinancement par affectation d’un bien susceptible de générer du cash ou d’un bien d’une valeur supérieure à la créance.